mardi 30 octobre 2007

La longue histoire du Bouregreg




C'est ici que tout a commencé, au bord du Bouregreg. C'est donc à cet oued que Rabat et Salé doivent leur naissance, il y a plus de vingt siècles. Le Bouregreg est ancien, mais il est aussi malade et usé. On ne se souvient plus qu'il a été jeune et impétueux ; il était vif et sain, il est devenu sale et lent, la faute en grande partie à une pollution omniprésente.
Les Rbatis ne connaissent guère plus de lui que ses cinq derniers kilomètres, et beaucoup ignorent désormais qu'il prend sa source dans le Moyen Atlas.
Il faut dire que le Bouregreg n'impressionne plus ; il n'a jamais eu la majesté de l'Oum Er Rbia ou l'impétuosité du Sebou mais depuis la création d'un barrage juste au dessus de Rabat, en 1974, l'ardeur de ses eaux souvent tumultueuses a été bien tempérée.
Pour les Marocains, le Bouregreg c'est surtout son estuaire et au-delà, ils n'imaginent pas ce qu'est l'oued. Un oued qui a même changé de nom puisqu'il s'appelait dans l'antiquité, Oued Sala (la rivière salée), ce n'est qu'au XIIIème siècle qu'il devient Bouregreg, sans doute une étymologie berbère, "regrag" signifiant "gravier" en berbère, mais les historiens n'en sont pas trop sûrs !
Trait d'union entre Rabat et Salé, soeurs rivales parfois ennemies mais toujours complices, le Bouregreg a constamment posé des problèmes pour sa traversée, car malgré les conflits incessants entre les cités, il y a toujours eu échanges permanents des populations. Depuis l'origine, on traverse en barques. Plusieurs ponts auraient existé, du temps des Almohades, pendant la lutte entre les Andalous de Salé le Neuf et les Salétins de Salé le Vieux au XVIIème siècle, mais tous ont été détruits par les flots, les guerres ou le raz de marée de 1755.
Le 1er pont routier date de 1919, mais largement en amont de l'estuaire, il est peu pratique pour les populations. Il y eut ensuite
le bac à vapeur en 1913. Le pont Moulay Hassan qui part des pieds de la Tour Hassan jusqu'aux remparts de Salé ne date que de la fin des années 1950. C'est dire qu'on a pris son temps pour réaliser ce pont, les Rbatis soupçonnaient même la confrérie des barcassiers, toute puissante alors puisqu'elle détenait un monopole, d'user de son pouvoir pour entraver sa réalisation.
Rabat et Salé doivent tout au Bouregreg, grâce à lui Rabat disposait du plus
grand port fluvial du Maroc au début du XXème siècle, et ce port fut même, du XIV au XVIIIème siècle, époque pendant laquelle les autres ports étaient aux mains des étrangers, Espagnols, Portugais ou Anglais, le seul port marocain qui pouvait ravitailler le pays. Bien sûr, nul n'ignore qu'au XVIIème siècle, les pirates de la République du Bouregreg firent de Salé, la capitale de la piraterie. En s'engageant pour le compte du Sultan, la piraterie devint "la course" et les pirates des corsaires. Le port de Rabat aurait alors compter jusqu'à soixante vaisseaux en son sein. La "course" prit fin au début du XIXème siècle sous le règne de Moulay Slimane.
Le déclin du port de Rabat est dû à plusieurs facteurs : d'abord le tremblement de terre de Lisbonne de 1755 qui a sans doute renforcé la "barre" océanique à l'embouchure de l'oued, rendant encore plus difficile et aléatoire son accès, ensuite l'envasement permanent qui s'est aggravé par défaut d'entretien, et enfin la concurrence du port de Casablanca nettement plus pratique pour les navires de gros tonnage.